Dans
Time is
Money ou Xtreme limits, le joueur ne voit pas
le chronomètre, dans Squad Seven c’est le CD qui
fait sablier, dans Tops on ne
sait pas quand le sablier va
s’arrêter…la course contre un
« temps
caché », c’est un
mécanisme que tu affectionnes ?
J’aime
bien faire des jeux stressants, tu as du t’en rendre
compte ! Le premier jeu contre le temps était le
premier de la série Squad
Seven (qui comprend au moins 10 versions différentes). La
première version
était faite avec de la musique brésilienne sur
une cassette audio.
Pour Tops je n’ai pas
cherché particulièrement cette
dimension. L’idée du jeu m’est venue par
les toupies… mais c’est vrai qu’il
faut gérer le temps.
J’ai eu
l’idée d’Xtreme Limits en voyant une
publicité pour des
montres.
C’est vrai que
j’ai beaucoup utilisé ce
mécanisme : on
le retrouve même dans un jeu Haba pour les enfants :
Dschungel Schatz.
Le
concours de Boulogne est-il
toujours une étape
indispensable pour qu’un auteur puisse se faire
connaître ?
C’est vrai que beaucoup de
jeux récompensés sont
édités par
lasuite… mais je trouve que les éditeurs
n’y sont pas assez présents, et qu’ils
ne reconnaissent pas assez le travail effectué par la
Ludothèque de Boulogne
Billancourt ; d’une manière
générale, ce prix est peu reconnu en France et
le prix du festival de Cannes a un impact bien plus important. En
Allemagne,
les éditeurs sont bien plus impliqués dans le
« Hippodice
Autorenpreis » (l’équivalent du
Concours de Boulogne) : les
directeurs de collection de Schmidt, Ravensburger, …
participent aux tests des
10 ou 15 jeux présélectionnés. Et les
jeux primés sont systématiquement
édités.
Roberto
Fraga, l’homme aux
jeux rigolos… n’est ce pas
réducteur ?
J’ai parfois un peu ce
complexe, et j’aimerais bien faire
autre chose ! Mes premières créations
étaient très simulationnistes,
proche des wargames, avec des thèmes de science-fiction. Il
fallait gérer des
déplacements en 3 dimensions, je faisais appel à
des notions de géométrie.
En 2000, lorsque j’ai eu
trois prix à Boulogne (battant
le record précédent de Bruno Faidutti),
c’était pour les Dragons du Mekong,
Akhenaton et Moaï (qui allait de venir Easter Island) qui
n’étaient pas des
jeux loufoques.
Aujourd’hui, même
si j’en ai dans les cartons, j’ai du mal
à
faire aboutir des jeux plus sérieux, car je suis sur trop de
projets en même
temps. Pour l’instant, suite à des contacts lors
des salons, j’ai des maquettes
à fabriquer, et comme je suis perfectionniste, ça
me prend énormément de temps.
Ensuite, je lance mon site internet (http://www.robertofraga.com)
que je
dois alimenter : je compte pour chaque jeu retracer son
historique, pour
bien expliquer le travail réalisé.
Après,
j’aimerais bien reprendre des projets comme celui
d’un jeu de commerce maritime, un peu sérieux,
même si ce n’est pas « Age
Of Steam ».
A propos des coussins péteurs... pour les besoins d'un prototype, Roberto voulait se procurer un modèle identique à celui qu'il avait trouvé au Canada. Il a appelé les boutiques de farce et attrapes rennaises leur demandant s'ils avaient des coussins "auto-gonflants" ; certaines lui ont raccroché au nez, croyant au canular téléphonique ou se présentant comme une maison sérieuse.
Comment
Roberto t’implique-t-il, ainsi que vos enfants dans
la création de ces jeux ?
Quand il a une idée, il me
la soumet, je lui donne mon avis…
Souvent, elle ne me plaît pas, mais il continue sans
m’écouter, et c’est tant
mieux ! L’idée de la
« danse des œufs », ne
m’avait pas du tout
convaincue… et finalement c’est sans doute le jeu
qui marche le mieux !
Lorsque le jeu est à
l’étape du prototype nous le testons en
famille, avec les enfants d’amis.
J’émets des critiques… mais
j’ai des difficultés
à amener des solutions !
Depuis 6 ou 7 ans que je
fréquente les salons, j’essaie
d’aider Roberto en donnant ma vision de ce que les
éditeurs souhaitent, vision
différente de celle du créateur.
Quand
tu
parles de Roberto à quelqu’un qui ne le
connaît
pas, tu parles du douanier ou de l’auteur de jeu en
premier ?
Aujourd’hui, je parle
essentiellement du créateur de jeux. Dans
mon entourage proche, j’en parlais déjà
il y a quinze ans… et maintenant on
sait autour de moi que nous consacrons beaucoup de temps,
d’énergie à cette
activité, et qu’elle nous fait voyager beaucoup.
Les gens sont en général très
étonnés, et ne se rendent pas compte de ce que
ça peut représenter.
Dans les salons ou festivals comme
celui-ci, c’est
l’occasion de montrer ce qu’est le travail de
création de jeux ; nous
partageons nos expériences, en essayant d’aider
ceux qui débutent.
Thurn und
Taxis, qui a eu le Spiel des Jahres l’an passé est
de Andreas Seyfahrt et de sa femme… on pourrait un jour voir
ton nom sur une boite ?
Nous y avons
déjà pensé et cela pourrait se faire
pour un
jeu pour enfants pour lequel nous sommes en négociation avec
un éditeur…
2
jeux
sélectionnés, bravo ! Il y a 2 ans tu me
montrais ici le prototype de Vitrail, en m’expliquant les
difficultés à le
fabriquer. Aujourd’hui il est sur les tables du prix du
jury…
Vitrail est le jeu dont je suis le
plus fier en terme
d’édition : l’idée
était très innovante, la réalisation
était un défi
technique très intéressant. Le look est
discutable, il était difficile de
faire quelque chose dans « l’air du
temps » avec jeu. Même si on
avait loupé la boîte, il se serait vendu quand
même, à partir du moment où la
réalisation des cartes était parfaite.
L’auteur est très
satisfait de ce qu’on a fait de son jeu.
Ca va être une grosse sortie aux Etats-Unis, où il
va être publié par
GameWright, sous le nom de « Spot
On » ou « On the
Spot »,
et distribué pour l’instant à 10000
exemplaires chez Barn & Nobles,
l’équivalent de la FNAC.
Cette version sera
également en boîte métal, mais avec un
format plus grand, adapté au marché
américain.
C’est
ta 3ème
participation, quelles
évolutions
as-tu remarquées ?
L’ouverture de la
scène pour le prix du public lui donne de
l’importance, une identité. Cela me fait
également très plaisir de voir
l’espace qui a été
aménagé autour des jeux de Roberto Fraga. La
manifestation
se pérennise, le public joue de plus en plus... la
manifestation est à l’image
de Nantes qui est vraiment dynamique en matière de jeu. Elle
n’est pas du tout
tape-à-l’œil, et c’est bien
agréable.
L’organisation du festival
est efficace, discrète mais
présente.
J’ai
cru lire que des jeux pour
« joueurs »
étaient prévus chez Cocktail Games ?
Nous avons effectivement un jeu dans
les tuyaux plutôt
différent du reste notre gamme : la partie dure une
heure, il faut 15
minutes pour en expliquer la règle.
Généralement nos jeux, même
s’ils sont
« légers » sont
plutôt bien reçus des joueurs
réguliers, notamment
lorsqu’il est signé d’un auteur
connu : nous aurons bientôt un jeu de
William Attia (auteur de Caylus, jeu de gestion stratégique
très apprécié des
joueurs passionnés). Ce sera le premier jeu qu’il
publiera ailleurs que chez
Ystari, et ça me fait particulièrement plaisir.